THEATRE DE LA VALETTE
BILL C.DAVIS/JEAN PIAT
(Intérieur d’une Eglise – une Chaire de Vérité)
Le Père Farley :…Nous allons donc conclure en ce dimanche matin, mes frères, nos entretiens sur les «trois C». Je rassure tout de suite ceux qui assistent pour la première fois à la grand-messe de Saint-François : ces trois lettres désignent simplement nos entretiens sur les crises du catholicisme contemporain…Notre interrogation est la suivante : « Pourquoi refuse-t-on aux femmes l’accès au sacerdoce ? »
Je vous propose d’en débattre. Chacun a sa petite idée là-dessus. Ce sera un dialogue ouvert et franc bien plus amusant que mon sermon. Mes frères, je vous écoute. Mes sœurs aussi, bien entendu.
Mark (dans la salle de l’église) : Que pensez-vous Vous, du sacerdoce des femmes ?
Farley : Ce que je pense, moi ? Ah ! Jeune homme, je ne voudrais influencer personne. Aussi permettez-moi d’invoquer mon appartenance au signe des Poissons pour reste, telle une carpe, muet sur le sujet.
Mark : Mais vous avez parlé d’un dialogue ouvert et franc. Le mot dialogue signifie…
Farley : Je sais parfaitement ce que le mot dialogue signifie. Votre visage m’est familier. D’où venez-vous ?
Mark : Je fais mes études au séminaire Saint-François.
Farley : Comment vous appelez-vous ?
Mark : Mark Dolson .
Farley: Mark Dolson…Eh bien, voulez-vous transmettre mes respects à votre supérieur quand vous le verrez, monsieur Dolson.
Mark : Vous ne voulez pas savoir pourquoi je pense que les femmes devraient pouvoir devenir prêtres ?
L’AFFRONTEMENT/ BILL C. DAVIS
Auteur de scénarii et de pièces de théâtre américain.Il a écrit « MASS APPEAL » deux ans après être sorti du collège alors qu’il travaillait dans une communauté de revalidation d’adultes psychologiquement perturbés. La première représentation a eu lieu devant 75 personnes dans un « Wine and cheese bar » de New York appelé « The Old Coat » Quatre ans plus tard, en 1981, sa pièce enthousiasma Broadway au Manhattan Theater Club, qualifiée d’œuvre populaire dans le bon sens du terme.La pièce a alors commencé à circuler dans divers pays dont Paris. Jean Piat s’est alors attelé à en faire une brillante adaptation qui lui a valu du reste un Molière !
Jean Piat, l’adaptateur en langue française
Jean Piat : Cette pièce est le choc de deux caractères, deux morales et plus banalement de deux générations entre foi sincère et routinière et insolence évangélisatrice et doctrinaire.
L’auteur
Bill C.Davis : Ma pièce est construite sur une dualité, une bipolarité, celle de la capacité à faire naître la révolte et le besoin impérieux que nous avons d’être aimés et admirés. Ces désirs conflictuels et simultanés existent en moi comme écrivain.
L’affrontement : une actualité brûlante !
Un pasteur brillant, intelligent, malicieux et charismatique reçoit la difficile mission de s’occuper d’un jeune séminariste qui lui est confié par son supérieur hiérarchique. Parcours initiatique à deux interlocuteurs. Les enjeux? L’accessibilité des femmes à la prêtrise ainsi que celle de l’homosexualité assumée des prêtres.
Farley : Alors, vous estimez que les femmes sont plus aptes au sacerdoce que les hommes ?
Mark : Je n’ai pas dit qu’elles étaient plus aptes ! Je pense qu’elles le sont tout autant !
Farley : Pourquoi ?
Mark : Parce qu’elles sont plus courageuses ! Et que le courage est une qualité indispensable à un prêtre ! Elles sont aussi le ferment de la famille. Pourquoi ne seraient-elles pas celui d’une nouvelle société chrétienne ?
Au fur et à mesure des rencontres entre le vieux prêtre apparemment attaché à ses principes et le jeune séminariste idéaliste, on s’aperçoit que le but n’est pas de faire de l’Eglise catholique la grande farce.
L’objectif est de suivre l’évolution des deux personnages. Le voyage initiatique pour le séminariste et le retour aux sources pour son mentor.
« L’affrontement » vu par Jean Piat
Jean Piat : On ne peut trouver de temps plus propice pour jouer cette pièce qui pose avec beaucoup d’humour les questions que tout le monde se pose sur l’Eglise. Il y a un vide spirituel. Au cœur de tout homme brille une petite lumière plus ou moins soufflée qui ne demande qu’à être ranimée. D’où vient-on ? Que fait-on, sur terre ? Des questions sans réponse pour beaucoup de jeunes qui se tournent alors vers des paradis artificiels ou des sectes. Les hommes ne combattent pas uniquement pour les remboursements de la sécurité sociale. Leur malaise est plus spirituel qu’on pense. Et l’Eglise répond mal à la demande des hommes.
Mark (25 ans), le séminariste, a écrit un sermon. Il en donne connaissance au Père Farley (60 ans).
Mark : Mes frères…Jésus n’est pas insensible à vos richesses. Ni à vos apparences. Vous venez à l’église en manteau de vison ou de cachemire dans de somptueuses voitures. Vos cheveux sont soigneusement teints…
Farley : Ne dites jamais «vos», «votre ou « vous » ! Dites toujours « nous », « notre » ou « les ».
Le père Farley : Jean-Claude Frison.
Le jeune séminariste, Mark : Bernard d’Oultremont
Une confrontation extraordinaire de deux comédiens.
Mark : Je ne vais pas à l’église pour chanter les succès du hit-parade en guise de cantique ! Déjà à l’école, on nous apprenait le catéchisme sur un album en bandes dessinées ! L’Evangile selon saint Peanuts ! J’ai longtemps cru que le Christ était un épagneul ! Laissez-moi donc prêcher comme j’ai envie de le faire et affirmer clairement ma foi. Presque deux heures d’affrontement où l’évocation de ces thèmes navigue entre la colère et l’espoir, l’exaspération et l’obscurantisme, entre l’émotion et l’humour.
L’affrontement/Léonil Mc Cormick
Léonil Mc Cormick connaît bien la pièce pour l’avoir jouée lui-même.
Il réalise aujourd’hui une excellente mise en scène d’une grande et belle sobriété.
Le travail de répétitions et de mises au point s’est effectué dans l’amitié et la complicité entre lui et ss deux amis comédiens.
Bravo à tous les trois !
Extraits de la pièce, suite…
Père Farley : Quand on veut entrer dans un ordre, monsieur Dolson – quel qu’il soit – à défaut de pouvoir en ouvrir d’emblée toutes les portes… il faut tenter d’en ouvrir au moins une ! La première: la porte d’entrée ! Simple question de logique…Et la porte d’entrée, ici, c’est l’obéissance. La soumission à la hiérarchie ! Vous voulez tout changer dans l’immeuble ? Parfait ! Commencez donc par essayer d’y entrer ! Vous aurez l’occasion d’un combat plus courageux ! Parce que plus difficile! Vous êtes capable de comprendre cela ?
( Premier sermon en «public » du séminariste. Il entend les toux de certains paroissiens.)
Mark : Je me demande si les tousseurs savent qu’ils sont dans une église ! Et pourquoi ils y sont ! J’aimerais qu’ils s’interrogent sur les raisons qui les poussent à sortir du lit pour assister à la messe du dimanche matin, en dépit de leur rhume ! Ne l’oublions pas, mes frères : l’assistance à la messe du dimanche n’est pas un commandement de Dieu. C’est un commandement de l’Eglise ! Et dans l’absolu, le but, la finalité de l’Eglise, c’est d’être un jour un immeuble inutile car la foi n’a nul besoin de sanctuaire pour s’affirmer…
Et ce sermon va s’amplifiant, prenant une extension de plus en plus révolutionnaire. Les « fidèles » sont saisis, étonnés et pour la plupart opposés aux propos dégagés avec agressivité par ce « jeune blanc bec de séminariste »…
Année 2004 – Théâtre de la Valette – Ittre
« L’affrontement » est créée en Belgique par Jean Piat et Francis Lalande, reprise ensuite par Léonil Mc Cormick et Patrick Ridremont.
Année 2013- Reprise de la pièce…
Interprétée magistralement par Jean-Claude Frison et Bernard d’Oultremont.
Ils sont tous deux d’une vérité saisissante !
Jean-Claude Frison, l’un de nos grands comédiens belges, joue le père Farley avec malice, à la fois drôle et émouvant.
Bernard d’Oultremont, que nous voyons souvent au Théâtre de la Valette, est des plus brillants dans son interprétation du jeune séminariste : ardeur furieuse, opiniâtreté dans la lutte, violente agressivité, révolté , qui veut à tout prix organiser l’Eglise nouvelle. Il ne peut se conformer à ce que lui enseigne le Père Farley.
Père Farley : Vous êtes fou Mark. Je l’ai compris dès le premier jour. L’Eglise a besoin de ces fous sans prix qui surgissent de temps à autre. Comme vous. Peut-être pour lui rappeler sa vraie mission. Le seul problème de ces fous c’est qu’ils ne savent pas toujours comment nager. Moi, si. Alors. .je vous en supplie, faites ce que je vous dis: MENTEZ !
« L’Affrontement », une grande pièce !
Le décor épouse remarquablement l’espace réduit du Théâtre La Valette : une chaire sur la droite du plateau, le bureau du Père Farley sur la gauche.
Le son et la lumière sont réglés à la perfection par Marcel Derwael, entre autres ses effets de réverbération lors des deux sermons comme on peut l’entendre dans une église.
La musique d’orgue a été enregistrée par un musicien et crée une bonne ambiance d’office religieux.
La régie est assurée par Paulo Hortas
Un spectacle à voir impérativement ! Une œuvre dramatique à découvrir sans tarder.
Le plaisir de voir ces deux comédiens en plein combat !
Le texte de la pièce de Bill C.Davis « Mass Appeal » a été publié dans l’adaptation française de Jean Piat « L’Affrontement », aux éditions du Rocher.
« L’affrontement », dernier spectacle de la saison 2012-2013
Deux prêtres en scène et en chaire de vérité,
Un duel à la gloire des femmes,
Un humour, refuge bien nécessaire…
Jean Piat : Une pièce qui pose avec beaucoup d’humour des questions que tout le monde se pose sur l’Eglise. Il y a un vide spirituel.
Au cœur de tout homme brille une petite lumière plus ou moins soufflée qui ne demande qu’à être ranimée. D’où vient-on ? Que fait-on sur terre ?
Théâtre de la Valette
Rue Basse 13 – 1460 Ittre
Infos Réservation : 067 / 64 81 11
Jean-Claude Frison : C’est un théâtre de chambre , intimiste et feutré.
« L’Affrontement » jusqu’au 26/05/2013
(du jeudi au samedi à 20h30, le dimanche à 18h. sauf le dimanche 05/05 à 16 h)
Léonil Mc Cormick : Le privilège du Théâtre c’est d’accorder, parfois, à chacun sa liberté de réfléchir, de réagir, de s’indigner, de s’émouvoir ou de rire…Une façon comme une autre d’avoir une opinion…
Roger Simons